extraits

A côté de cette passion qui va lier l'animal au jeune garçon, on trouve, dans ce livre, le récit d'une chasse au  tigre, une partie de dés stupéfiante, un voyage à travers les contrées de l'Inde du Nord et des personnages qui vont soit aider Adi, soit, au contraire, lui porter tort. Parmi les plus sympathiques, je vous présente Malatî.

" C’est alors que la belle princesse Malatî fit son apparition à la porte de la salle, un grand sourire aux lèvres. Kapûr en perdit à cet instant-là l’usage de la parole, se contentant d’agiter discrètement mon bras pour attirer mon attention. Nous la vîmes s’avancer vers nous, laissant délicatement sur le sol les empreintes rouges de la laque enduite sous ses pieds. Accompagnée du tintement joyeux de ses bracelets de chevilles, souple et légère, elle déplaçait ses hanches avec une grâce exquise. Elle se dirigea vers moi, à la stupéfaction de Kapûr.

" Le temps passant, il devint mon préféré, sans doute parce qu’il m’avait donné plus de mal. Lui réservant une grande part de mon intérêt, je consacrais de longs moments à brosser ses longs crins blancs, lui parlant comme on le fait à une véritable personne　:

- Vois, mon tout doux, comme tu vas être beau. Là ! mon prince, montre-moi ta crinière. Oui ! comme ça ! doucement. Voilà !

Il me regardait de ses grands yeux de velours et j’avais l’impression d’avoir près de moi un ami qui m’écoutait. Il finit même par me manifester son attachement et parfois, il venait frotter sa tête sur mon épaule. Il m’apprit alors la douceur et le plaisir de la tendresse. Je restai un moment contre lui, profitant de ce courant d’affection qui nous unissait, tout en lui murmurant de douces paroles.

- Oui, on peut dire que tu m’en as fait voir ; ça c’est sûr ! Mais tu sais bien que c’est toi que je préfère. Chut ! garde ça pour toi ! c’est un secret entre nous…

Je me laissais aller, retrouvant dans sa chaleur la confiance et le courage nécessaires. Une communication intime passait alors entre nous. Etait-ce l’odeur de son poil ou le contact de ma main, toute douce, qui la favorisait ? Je ne saurai le dire mais cet échange était si sincère que je pris l’habitude de lui confier tout ce qui me préoccupait ."

 " Li Cheng, lui, semble être transporté dans un autre univers tant son regard brille de joie. Il est vrai que depuis toujours il rêve de voyages lointains. Quand il vivait au palais de son père, il voyait souvent de riches négociants qui venaient rendre visite à l’Empereur pour lui offrir de somptueux cadeaux : du verre, de l’or, de la laine originaire de contrées lointaines.

Ils parlaient de leurs voyages, d’un monde inconnu si différent du sien et lui, il n’avait qu’une envie : les suivre ! Et voici qu’à Chengdu aussi, les marchands passent ! Voici que son envie la plus secrète le reprend ! Partir ! Oui, c’est son plus grand désir ! C’est plus fort que sa raison, plus fort que l’amour qu’il porte à sa famille. Sa mère a beau lui dire qu’il est appelé à un autre destin, son cœur lui souffle sans cesse que sa vie est là-bas, aux confins de l’univers. Il n’a aucun goût pour le revenu de la terre. Lui, il se voit à dos de chameau affronter le froid cassant des cimes enneigées, les tempêtes de sable des déserts arides. Et après des jours et des jours de route, il s’imagine déjà parvenant au pays de ces hommes étranges qui habitent le Daquin, et dont il a entendu les histoires surprenantes."